La Vie des Fourmis by Maurice Maeterlinck

La Vie des Fourmis by Maurice Maeterlinck

Auteur:Maurice Maeterlinck [Maeterlinck, Maurice]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Essai et Chronique, Animaux, Philosophie, Société, Littérature belge, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2020-11-09T00:00:00+00:00


V

Cette question de l’entr’aide en éveille une autre qui nous mène à la morale de la fourmilière. Les premiers observateurs, Latreille, Lepeletier de Saint-Fargeau, etc., affirmaient qu’ils avaient vu des fourmis secourir les mutilés, soigner et panser les malades et les blessés. Forel, plus circonspect, remarque que si elles semblent s’intéresser aux blessures légères, elles portent hors du nid et abandonnent à leur sort celles d’entre elles qui sont grièvement atteintes. Sir John Lubbock, qui a fait sur ce point les expériences les plus méthodiques, constate que le plus souvent les ouvrières sont complètement indifférentes aux malheurs de leurs compagnes, ne songent pas à leur venir en aide quand elles sont engluées ou quand à moitié noyées ou ensevelies sous un éboulement, la moindre assistance leur sauverait la vie.

Ces indécisions, ces incertitudes, les rapprochent de nous et les éloignent des abeilles et des termites chez qui l’indifférence aux maux d’autrui ne souffre aucune exception. L’abeille jette impitoyablement hors de la ruche tout ce qui succombe ; le termite le dévore à l’instant, quant à la fourmi, plus réservée que nos cannibales, elle ne mange même pas les cadavres de ses ennemis.

Dans la fourmilière, de même que dans nos villes, parmi ceux qui passent outre, comme dit l’Évangile, s’arrête parfois le bon Samaritain. Est-il plus ou moins rare que chez nous ? Les auteurs ne sont pas d’accord ; en tout cas il semble exister, et c’est assurément plus extraordinaire et plus déconcertant que si la charité était universelle et instinctive ; car alors il n’y aurait plus qu’à la ramener à la loi organique qui la commande, la rend inévitable, automatique, et lui enlève tout mérite et tout reflet humain.

Je ne rappellerai pas des traits qui sont, je pense, suffisamment connus et qu’on retrouve dans toutes les études sur les fourmis. Je fais allusion à la petite Fusca née sans antennes, attaquée par des étrangers et recueillie par des compatriotes qui la portent au nid ; à la malheureuse fourmi couchée sur le dos, incapable de se relever et de se nourrir, que ses compagnes sauvent, aux ouvrières ivres-mortes (victimes de nos expériences), qui sont ramenées au logis, à la reine des Lasius Flavus écrasée par mégarde, que ses sujettes, durant plusieurs semaines, continuent de soigner comme si elle était encore vivante. Huber du reste avait déjà remarqué que cinq ou six ouvrières demeurent plusieurs jours auprès du cadavre royal, le brossent et le lèchent sans interruption, « soit, ajoute-t-il gentiment, qu’elles conservent pour leur souveraine un reste d’affection, soit qu’elles espèrent la ranimer par leurs soins ».

Ces exemples, auxquels je pourrais joindre ceux d’Ebrard, et que personne, étant donné la qualité des observateurs, n’a jamais mis en doute, nous prouveraient que par les sentiers de la fourmilière voyagent plus de Samaritains que sur la route de Jérusalem à Jéricho, qui n’est pas la plus mal fréquentée de nos routes humaines.

Il serait bon du reste d’examiner à la loupe chacun de ces traits. Le cas de la petite Fusca sans



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